La plume, et l'Art Chipe Ailes.
Lecture et projection Festival de photographe animalière de  Brasparts. 2 novembre 2019.
Merci aux spectateurs, merci aux organisateurs.
L'antichambre.
Chevalier aboyeur

Les marécages sont des endroits dangereux.Ils suscitent la fantaisie. On raconte qu'il y existe des chemins dérobés, des passages discrets pour ne pas se noyer ni s'enliser. On dit que les hommes s'y perdent, et n'en reviennent jamais. On dit que ce sont des portes vers d'autres mondes. Des chemins qui mènent au delà des cartes. L'homme sédentaire s'en méfie. La vie sauvage s'y réfugie. Elle en fait son sanctuaire. Venant des confins, j'ai franchi cette porte je suis venu la nuit. Je me suis perdu. J'ai pataugé dans les algues, fouillé la vase au petit matin, marchant dans l'eau sans faire de bruit, gardant cloitrés dans mon syrinx des hurlements de chiens. Je suis reparti sans peur et sans crier. Sans avoir troublé l'eau.




La rive des souvenirs :
Chevalier Gambette. Un oiseau. Une Chronophotographie. 4 clichés.

Il est des jours gris où la couleur du ciel se reflétant dans l'eau est semblable à celle des limons observés par transparence. J'aime ces jours délavés par un soleil absent. Les couleurs y sont douces. Il y a une aiguille de pin plantée verticalement dans le sable. J'ai marché dans l'eau tiède à plusieurs endroits, fait demi tour, tendu le cou. Les brumes ont absorbé le bruit du clapot. Ce velours gris supporte un texte en lettres oranges. J'ai reconnu l'aleph.





Dans les pailles de carottes sauvages.
Crave à bec rouge.

Je suis un oiseau inféodé aux prairies rases de bord de mer. J'ai besoin pour planter mon bec large, d'une terre meuble et sablonneuse, et que l'herbe soit courte. Mon paradis est une pâture littorale. C'est l'hiver sur la lande. Plus de fleurs sucrées. Il ne reste que la toison bleutée des fétuques et des ombrelles de paille. J'ai cherché dans le sol de poudre humide, des vers, des insectes. Sous l'herbe rase la vie ne s'arrête pas. Si l'hiver existe, il est une promesse d'amours nouvelles.



Le décrochage
Fou de bassan Chronophotographie.  Un oiseau. Six clichés.

Nous avons tous connus des moments où l'on se sent porté par l'air et tout ce qui nous entoure. Soudain, la portance diminue et tout ce qui nous tient nous laisse choir vers la surface des eaux. Il m'a fallu transformer cette chute . J'ai replié les ailes pour faire de mon corps un javelot. J'ai piqué l'eau comme une épée. Visant le scintillement dans les profondeurs bleues.




Il a trop regardé "Titanic "
Grands cormorans . Fond de rade de Brest.

Entre les averses et les éclaircies, il s'avance grisé par le vent. Il est fier d'être éclairé par une trouée. Le navire est à la cape. Il se prend pour Rose à la proue. Nous rions aux éclats. Nous sommes inquiets à la foi. Nous ne souhaitons pas être Jack comme il nous le demande. Le souvenir du naufrage nous hante, la crainte de la chute. Il joue et il croit à son jeu. Il sait nager. Ça nous inquiète un peu. Il n'est plus lui même. Il suffit ! Reviens maintenant. La plaisanterie a assez duré. Ceux qui, comme nous, ont une vie d'errance et de pêche, n'ont que faire des ces romances bon marché. Ceux qui comme nous, sont dépourvus de narines ne pleurnichent ni ne reniflent.






C'est le bouquet !
Grèbe à cou noir. Fond de la rade de Brest.

Mois de février, petit vent d'est. Le soleil vient juste de transpercer le brouillard marin. Il y a une forme allongée qui rampe sur les rochers couverts d'huîtres. Je plonge, je respire, je replonge. Curieusement cette chose bouge à chaque remontée. Le fond regorge de syngnathes. C'est rugueux à avaler mais ça nourrit bien.. Cette fois ci le met est bien plus succulent. J'oublie quelques instants cette chose inquiétante qui rampe comme un fakir dans les huîtres. J'écrase le bouquet encore frétillant, et sens couleur dans mon bec sa délicate chair salée.





Bain moussant.
Grèbe castagneux. Chronophotographie. Un oiseau, sept clichés.

C'est une après-midi obscure. La lumière est douce et sans couleur. La mer s'est retirée. Les eaux du marais saumâtre recrachent l'océan dans la ria. L'eau limoneuse Jaillit par d'énormes bouches. Leurs courants creusent des cratères dans la vasière. Les algues en suspension donnent un savon moussant. Je plonge dans les remous de l 'écume. J'y capture les crevettes et les anguilles déboussolées par la rapidité du flux. Je m'écarte ensuite un peu, là ou l'eau est plus calme. Je replonge sous la mousse.





Le Vide. Qui saute en premier ?
Tournepierres à collier.

Nous sommes une famille. Unis les uns aux autres par un désir irrépressible de proximité. Nous cavalons entre les roches, tournant le goémon et picorant toutes les formes de vie. Vite! Les autres s'avancent. Je cours les rejoindre. Tenez, suivez moi ! Il y a surement à manger de l'autre côté de ce rocher. La pierre est abrupte. Elle glisse. Le ressac déchire le bruit du vent d'un fracas d'eau menaçant. Nous sommes des oiseaux coureurs d'estran, il nous arrive parfois, comme à vous, les humains, d'oublier que nous avons des ailes.





Le meilleur...C'est dans les pattes.
Tournepierre à Collier Reste d'araignée de mer sur les quais.

J'ai quitté le rivage pour m'aventurer sur la cale. Cette chose rouge attire mon regard. Je la sais remplie d'une matière délicieuse. Cette pièce détaché du sous marin cache un banquet. Un malheur se cache en tout délice et mon destin me dote un bec bien trop court. Je me dandine, je me tords, je me déhanche, hoche la tête, je tourne et je retourne la pièce. . Les miettes sont si fameuses, et la chair si précieuse, qu'elles justifient toutes mes prouesses.






Le port au clair de lune
Grands gravelots. Bécasseaux variables.

C'est l'hiver. Nous avons quitté notre toundra nourricière et féconde pour hiverner dans ce bras de mer. Le froid nous saisit et les derniers rayons du jour nous permettent de voler au raz de l'eau. Il y a peut être des sirènes et des marins ivres au fond du port. Une constellation mystérieuse, dans la vitesse du vol, trace des lignes. Elles ouvrent la surface de l'eau comme un millier de tenailles scintillantes. Un clignement en racourcit la morsure. La rive humide réfléchit les rayons de la lune. Le froid et la fin du jour tentent de fermer nos yeux. Tant que les vôtres seront ouverts, nous continuerons à voler.

You may also like

Back to Top